Il y avait cette fois 32 personnes, dans une embarcation qui n’était pas en état de naviguer, dans les eaux internationales au nord de la Libye. Fuyant la guerre, la torture, le viol, la pauvreté. Des hommes, des femmes et sept enfants, dont quatre non accompagnés. L’Europe aurait-elle voulu qu’ils se noient? Nous sommes reconnaissants de les avoir trouvés à temps. Parce que chaque vie humaine mérite une protection. C’est pourquoi nous sommes ici, sur la mer Méditerranée, où l’Europe échoue à tous les égards.
Port sûr
Selon le droit international, les réfugiés et les migrants secourus en mer doivent être conduits dans le port sûr le plus proche dans les meilleurs délais. On pourra répondre plus tard à la question de savoir s’ils remplissent les conditions requises pour bénéficier de l’asile ou d’un autre statut de résidence. Mais maintenant, deux semaines plus tard, Sea-Watch 3 doit toujours rester en mer au large de Malte, malgré la tempête émergente. Les politiciens européens ont fermement ignoré les appels lancés par le commissaire européen Dimitris Avramopoulos et le HCR à offrir à ces réfugiés un port de sûr dans les meilleurs délais.
État du pavillon
Le fait que Malte refuse à Sea-Watch l’accès a son port et que les Pays-Bas – en tant qu’État de notre pavillon – déploient à peine des efforts pour se conformer aux accords internationaux sur le sauvetage de vies humaines en mer – n’est pas seulement inhumain. Il est également symptomatique du jeu politique joué sur le dos des organisations humanitaires impliquées dans des opérations de recherche et de sauvetage en Méditerranée. Pendant des mois, Sea-Watch 3 n’a pas été autorisé à quitter le port maltais de La Valette, apparemment à cause de questions sur les documents officiels du navire. Un rapport de l’Inspectorat néerlandais de la marine marchande a clairement indiqué que notre navire était conforme à toutes les réglementations applicables. Ces dernières années, les navires de sauvetage Iuventa, Aquarius, Sea-Eye et Lifeline ont tous été confrontés à des campagnes de diffamation politique et à des accusations sans fondement allant de la traite de personnes à la mauvaise gestion des déchets. N’importe quelles raisons pour garder les navires a quai. De même, les navires de commerce, les bateaux de pêche et même les navires de la marine qui ont secouru des personnes en détresse en mer se sont régulièrement vu refuser l’accès à un ports sûrs. En conséquence, la loi séculaire, écrite et non écrite, interdisant de laisser quiconque se noyer et le droit si vous avez besoin de protection de demander l’asile, ont été délibérément écartées.
Traite des êtres humains
Certains insistent sur le fait que nos interventions humanitaires facilitent le trafic d’êtres humains et que des navires tels que le Sea Watch 3 doivent donc être arrêtés. Ce ne sont que des slogans mal informés et dangereux. L’été dernier, après deux ans d’enquête, le ministère public italien a déclaré que rien n’indiquait que Sea-Watch soit impliqué dans le trafic d’êtres humains. Des recherches menées par le groupe de réflexion SPI, l’Institut italien d’études politiques internationales, ont conclu que les navires de sauvetage des ONG, contrairement à ce que l’on prétend souvent sans fondement, n’ont pas d’effet « d’appel d’air » sur le nombre de personnes qui tentent la traverser pour rejoindre Europe par bateaux. Les «facteurs d’incitation» – les raisons pour lesquelles les gens cherchent un refuge sûr – sont tout simplement trop importants pour cela et ceci signifient que les gens n’ont d’autre choix que de tout risquer pour sauver leur vie.
Passage sûr
Plus l’Union européenne tente de fermer ses frontières contre les réfugiés et les migrants, plus les itinéraires désespérés qu’ils sont obligés de suivre sont dangereux. C’est donc l’Union européenne qui met en danger des vies humaines, et non les organisations humanitaires qui ont jusqu’à présent sauvé des dizaines de milliers de personnes de la noyade. C’est pour de bonnes raisons que Sea-Watch et d’autres organisations telles que MSF réclament depuis des années un passage sûr avec des voies légales permettant aux personnes de rejoindre un refuge sûr. Les personnes qui ont besoin d’un abri de base, de soins médicaux, de nourriture et d’eau doivent les recevoir, quel que soit leur statut juridique.
Relocalisation
Les appels de pays tels que l’Italie, Malte et la Grèce à d’autres États membres de l’UE en matière d’accueil et de réinstallation des réfugiés sont justifiés, comme le savent très bien d’autres pays, dont le Royaume-Uni. Il est donc grand temps que l’Europe conclue de nouveaux accords pour l’accueil et la réinstallation des personnes qui cherchent simplement un refuge. Il faut mettre un terme au va-et-vient des êtres humains épuisés et souvent traumatisés – dont des enfants et des femmes enceintes parmi eux – où des décisions sont prises à chaque fois au cas par cas, apparemment avec la plus grande difficulté, à propos de quel pays européen admettre une poignée de personnes dans leur procédure d’asile. Parce qu’il ne s’agite pas seulement ses 32 rescapés qui sont maintenant à bord du Sea-Watch 3 subissant une tempête . Selon les chiffres de l’OIM, plus de deux mille personnes se sont noyées alors qu’elles tentaient de traverser la mer Méditerranée en 2018. Au moins 17 589 personnes ont été tuées sur cette route depuis 2014. Ce chiffre est probablement bien plus élevé, car qui surveillent encore ce qui ce passe dans les mers au nord de la Libye ? Si nos partis politiques respectent réellement les vies humaines et les droits de l’homme, ils veilleront, avec leurs collègues européens, à ce que ce terrible bilan ne se répète pas en 2019.
Philipp Hahn, coordinateur de mission et Robin Jenkins, volontaire RNLI (Royal National Lifeboat Institution) depuis 20 ans et membre de l’équipage du Sea-Watch 3.
Au nom de l’équipage 17 du Sea-Watch 3.